Jean Genet sous deux regards Marie Redonnet analyse avec justesse luvre du poète-voleur, dont lenfance est, par ailleurs, reconstituée par un conteur et acteur bourguignon « En ce qui concerne lhomme Genet, Jean-Pierre Renault a procédé à une très étonnante enquête dans le village morvandiau où le poète fut élevé, adopté par une famille de fermiers. Sinterrogeant sur la visite impromptue que lécrivain fit en 1984 à Alligny-en-Morvan, pour retrouver sa nourrice, Jean-Pierre Renault reconstitue, en questionnant plusieurs témoins, les premières années du petit Jean Genet. Il sattarde en particulier sur cet événement décisif que fut la rencontre dun bûcheron italien, « chasseur de vipères ». Ce beau récit, très élégamment écrit, sans mimétisme, mais avec une grâce qui lui est propre, redonne à lécrivain une force dhumanité, une vibration très émouvante. Lenfant des années de la grande guerre et le vieillard des années 80 sont réunis sous les yeux dun observateur lui-même très vivant : ce sont deux images que lon attache rarement à Jean Genet. Deux images dun être solitaire qui tente de se comprendre dans le paysage vallonné de la Nièvre, une campagne à laquelle il préférera, pour mourir, laustérité marocaine. » René de Ceccaty, 23 juin 2000 |
Lenfance de Jean Genet Au début était lenfant, abandonné au premier lange, livré par lAssistance publique à une nourrice aimante. Cette « naissance blanche » allait devenir le terreau de lécrivain Jean Genet. Jean-Pierre Renault est parti sur les traces de ce nouveau-né parisien, élevé dans la campagne nivernaise, à Alligny-en-Morvan, où il reste « lparigot ». Les révélations des lieux, les confidences des derniers témoins de lépoque éclairent par bribes luvre de Genet. Les jupons de Génie Régnier, mère nourricière, la vieille demeure, le pré où le petit « Nano » se réfugiait, le pont des premiers émois du Captif amoureux relient le jeune garçon au vieillard qui na pu sempêcher de revenir sur les lieux en 1984. Les habitants daujourdhui, létang, la route, les conversations de bistrot, le vent dans les herbes, les odeurs racontent lenfant, déjà fou de théâtre, protégé du monde par sa vache et les genêts. Et très tôt la blessure infligée par lécole, où la visite médicale réservée aux pupilles le désigne à la classe comme étranger ; une révélation humiliante qui fait le vide en lui. Les mots conjuguent un style sobre, tout de retenue, où les phrases contiennent à grand peine les bassesses villageoises. On suit le bref et unique retour de Jean Genet au village et dans son uvre. On découvre la terrible règle administrative qui imposa à ladolescent âgé de 13 ans et dix mois la séparation davec sa famille adoptive. Le premier départ, la fuite originelle qui contiendra toutes les autres : lAlgérie, lAmérique, le Moyen-Orient, la Grèce Une réécriture permanente du mensonge qui poussa Jean Genet à écrire : « Je traquerai en moi cet enfant dont je vais parler que je chante, dépiaute et désincarne , je lachèverai jusquà ce quapparaisse le poème. » (Fragments et autres textes). Jean-Pierre Renault signe là un troublant récit où la silhouette de Genet, en short, coiffé dÕun bob, hante le village qui fut tout de même le sien, dans une ultime moisson du paysage, des odeurs et lumières, seule capable dadoucir le crabe qui lui rongeait la gorge. Gilles Luneau, 6 juillet 2000 |
Jean Genet a été placé jusquà 14 ans dans ce village du Morvan, cest-à-dire de 1910 à 1924 environ. Il na jamais parlé directement de cette enfance morvandelle et même jamais révélé le nom du village en question : Alligny-en-Morvan. Cest tout lintérêt du livre et toute lintelligence et la sensibilité de son auteur qui grâce aux témoignages des vieilles personnes et la reconstitution méticuleuse de la première partie de la vie de lauteur des « Balcons » met en place une biographie intuitive mi-enquête, mi-fiction, on est à la fois dun côté de la carte postale avec la photographie dépoque en noir et blanc avec la guerre de 14, lécole, la pêche aux écrevisses, la mort du cochon, le patois morvandiau et de lautre où Jean-Pierre Renault écrit à la première personne ses impressions, ce quil ressent en phase avec le petit Jean Genet et ce quil sait de cette période à travers son uvre postérieure. Cest donc avant tout un récit à la découverte de cette enfance abandonnée qui a marqué à lencre noire lauteur de Notre-Dame-des-fleurs. Jean Genet est revenu une fois vers la fin de sa vie dans ce village où lon perçoit la vie simple et limportance de la nature dans cette montagne au début du siècle. Alain Kewes, septembre 2000 |