Le corbeau vole sur le dos mais ce nest pas la misère «[
]
Native de Béziers où elle est née en 1949, lauteur
consacre la totalité de son dernier ouvrage à la ville qui
la vu naître. Une ville quelle ne cite pas, ou quelle
appelle pudiquement B., mais qui est parfaitement identifiable car toutes
les rues sont nommées. Elle met en scène un parcours déambulatoire
et initiatique qui, par certains côtés, rappelle le Béziers,
les rues racontent dYves Rouquette. [
] Ladage a beau
dire que quand les corbeaux volent sur le dos, cest pour ne pas
voir la misère, Danielle Auby tranche dans le vif. «Cest
presque un livre politique que jai voulu faire en ce sens quil
est une opposition à des discours qui excluent ceux qui ne sont
pas dans la course. Je suis féroce par rapport à ceux qui
ont décrété que cette ville était en déclin.
Ce livre, cest aussi un acte damour. Je lai écrit
à une époque où lon entendait justement beacoup
dire que cette ville mourrait. Je voulais répondre à cette
phrase. La contrer. Une ville, ça ne meurt jamais. Tant quil
y a des vivants, elle nest pas morte.» [
] Un peu comme
Borgès disait de sa ville natale que cétait les entrailles
de son âme, Béziers, cest ma ville et ce sera toujours
ma ville. Je la garde en moi, pour toujours. Le Midi Libre, 8 septembre 2002 Urbanisme Après un court premier chapitre assez plat et peu engageant, le « chantier» en fait, un « récit romanesque» à la langue originale et aux situations et formules souvent drôles vous invite si généreusement à le visiter que vous nhésitez pas à fourrer votre nez dans le moindre de ses recoins. De quoi sagit-il ? Dune émouvante évocation de la mort dune ville, de ses incroyables sursauts de « nouveaux» quartiers sortent de terre, tandis que le centre ancien périclite -, de son agonie sempiternellement annoncée délocalisation des entreprises, vieillissement de la population, fermeture des magasins, etc. et des relations intimes, charnelles, que cette ville (B., comme Béziers ?) entretient avec ses habitants ou plus exactement avec ceux qui savent en apprécier les secrets. En fait, la narratrice entrecroise les destins de B. avec ceux de différents personnages, tous attachants, en particulier Malou, dorigine espagnole. Car une ville est faite de mille histoires, de mille langues, de mille éclats de rire, et plus encore! Et cela, la narratrice ne lignore pas, doù un roman en forme de place publique fréquentée par des héros ordinaires, qui chacun à leur tour viennent déclamer en pleine page imprimée leur amour pour la ville de B., leur inquiétude face à un projet urbain qui doit en modifier le tracé ou en supprimer tel morceau, ou encore leur confiance en une population qui ne se laissera pas faire! Mais les « culs-de-plomb »- catégorie socialo-culturelle conceptualisée par lauteure ne sont guère téméraires et tombent souvent dans le « à quoi bon ? » bien démobilisateur. Car ce texte est aussi polémique, il met en scène avec beaucoup dhumour la « structure » (entendez par là le système politique et administratif qui « gère » la société) et les divers « acteurs de la vie local e», la responsable de la culture et du patrimoine, lélu vert, le représentant des commerçants, dautres associations, etc. Au-delà de la caricature, ces « acteurs » que chaque lecteur reconnaîtra démontrent la limite de laction-sur-le-terrain où tout est bloqué par « la subvention » (linénarrable passage où lon discute comment transformer une usine désaffectée en musée-de-quelque chose afin de toucher une subvention ), cest elle qui endort toute contestation et conforte les « culs-de-plomb » dans leur fatalisme. Mais ce beau texte, sorte de monologue aux accents poétiques, est aussi et surtout une méditation sur le cours de lexistence, la mémoire et loubli. En ville. Thierry Paquot, février 2002 |